Donation avant cession : gare à ne pas abuser !
Décidé à optimiser le coût fiscal de la transmission de son entreprise, un couple donne une partie des titres de sa société à sa fille qui les a vendus dès le lendemain. Une opération que l’administration fiscale s’est empressée de qualifier « d’abus de droit ». Pourquoi ?
Donation avant cession : optimiser ≠ abuser
A l’occasion de la préparation de la vente d’une société, et dans une optique de transmission de patrimoine, les dirigeants envisagent généralement les choses de la manière suivante : une vente des titres de la société, suivie de la donation, le plus souvent aux enfants, de tout ou partie du prix de vente.
Cette manière de procéder conduit bien souvent à constater une double imposition : la 1ère se situe au niveau de l’impôt payé par le dirigeant à raison de la plus-value réalisée lors de la vente des titres, soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, et la 2nde, le cas échéant, au niveau des droits de donation payés lors de la transmission aux enfants.
En procédant à ces mêmes opérations en sens inverse, il est possible d’optimiser le coût fiscal de cette vente. Il s’agit donc, dans un 1er temps, de donner les titres de la société aux enfants qui procèderont à leur vente dans un 2nd temps.
Ce mécanisme a pour finalité de « purger » la plus-value (donc le gain) réalisée à raison de la vente de ces titres, et donc d’échapper, en partie, à l’impôt : en réalisant la donation à une valeur identique à celle prévue pour la vente, aucune plus-value imposable ne sera exigible puisque, d’une part, la donation ne génère aucune plus-value et, d’autre part, la vente s’effectuera pour une valeur identique à celle retenue dans la donation.
Ce schéma d’optimisation fiscale n’est toutefois pas sans risque ! L’administration surveille de très près ce type d’opérations, et n’hésite pas à les remettre en cause dès lors qu’elles s’apparentent à un « abus de droit ».
Pour mémoire, il y a « abus de droit » lorsque les schémas retenus ou mis en place reposent sur des actes fictifs, ou bien consistent en des montages qui n’ont pas d’autre but que celui de vouloir éluder ou minorer l’impôt.
Dans cette hypothèse, si l’administration est à même d’établir qu’une opération a été motivée par des considérations exclusivement ou principalement fiscales, elle peut rétablir la véritable qualification des opérations et réclamer le montant de l’impôt éludé, majoré des intérêts de retard et surtout d’une pénalité de 40 % ou de 80 %.
Pour éviter une telle requalification, et les pénalités qui vont avec, 2 conditions sont à remplir :
- la donation doit intervenir avant la vente ;
- le prix de vente doit être appréhendé par la personne qui a bénéficié de la donation (le donataire).
C’est précisément ce qui a été rappelé à un couple qui, souhaitant optimiser la transmission de son entreprise, a donné à sa fille la pleine propriété de 296 actions, ainsi que la nue-propriété (c’est-à-dire le droit à disposer des titres comme un propriétaire) de 1 184 autres actions dont il se réserve l’usufruit (c’est-à-dire le droit de percevoir les revenus produits par ces mêmes titres).
2 jours après cette donation, les 1 400 actions ont été vendues à une société qui a versé le prix de vente :
- sur un compte bancaire ouvert au nom de la fille, pour la vente des 296 actions ;
- sur un compte bancaire commun à la fille et au couple, pour la vente des 1 184 actions.
Une opération qui n’a pas échappé aux radars de l’administration fiscale qui y a vu un « abus de droit ».
Concernant la vente des 1 184 actions, elle indique, en effet, que :
- l’acte de donation de la nue-propriété au profit de la fille prévoyait :
- ○ un report de l’usufruit sur le prix de vente des titres comportant une interdiction pour elle, en sa qualité de nue-propriétaire, de demander le partage du prix représentatif de ces titres,
- ○ une clause de remploi du prix de vente dans les tous biens dont l’achat pourrait être décidé par le couple, en sa qualité d’usufruitier,
- si une convention de « quasi-usufruit » a été mise en place entre le couple et sa fille, permettant au quasi-usufruitier, donc au couple, de disposer librement des sommes résultant de la vente, sous réserve d’une obligation de restitution de ces mêmes sommes à l’issue de la convention, elle n’a été conclue que 9 jours après la donation ;
- si le prix de vente des titres a initialement été encaissé sur un compte bancaire commun au couple et à sa fille, il a ensuite été transféré pour partie sur un compte bancaire ouvert au nom du couple, et pour partie sur un contrat d’assurance-vie, ouvert au nom du père, et dont il était lui-même le seul titulaire.
Quant à la vente des 296 autres actions, si le prix de vente a bien été versé sur un compte ouvert au nom de la fille, l’administration précise que les fonds ont été effectivement appréhendés par le couple, qui a effectué de nombreux prélèvements sur ce compte destinés au règlement de l’impôt sur le revenu du couple et des dépenses courantes du foyer.
En conséquence, le couple ayant appréhendé personnellement la quasi-totalité du prix de vente, l’opération de donation avant cession mise en place est dénuée d’intention libérale, et constitue un « abus de droit ».
Ce que confirme le juge de l’impôt, qui maintient le redressement fiscal.
Source : Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 2 juillet 2020, n°18NT01415
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